Évènement de décembre de Réfugié(e)s et Déplacé(e)s : Droit, Littérature et Migration
Table ronde : Discours et récits de réfugiés : Qui parle? Vendredi 4 décembre 2015 De 13h à 15h Carrefour des arts et des sciences de l’Université de Montréal Salle C-1017-11 Alors que se multiplie la publication d’articles prenant la forme de récits de réfugiés, qu’il s’agisse d’articles de presse, de blogues, de photos-reportages, etc., il convient plus que jamais de s’interroger sur les modalités de cette pratique et de se poser une question toute simple : qui parle? Derrière chaque portrait de réfugié se cache en effet un nom référant lui-même à un visage porteur d’une voix, qui s’avère ponctuellement considérée digne d’être entendue dans l’espace public en raison d’une situation ou de violences devenues humainement intolérables. Il en a été ainsi des milliers d’Haïtiens forcés de se déplacer au lendemain du tremblement de terre de 2010 comme il est question aujourd’hui des millions de Syriens en attente de refuge dans l’un ou l’autre des camps situés en sol européen, en Jordanie, en Irak, au Liban, dans le Kurdistan irakien et en Turquie. Le foisonnement actuel de ces mises en récit humanitaires, pour la plupart modelées sur le goût exacerbé de l’époque pour les histoires à résonnance humaine et ce que l’on appelle le storytelling, a notamment pour conséquence de mettre en scène (pour ne pas dire mettre en marché) la souffrance de nouveaux « réfugiés-types » à travers les formes et la narration d’individus autorisés à les représenter. Aussi, si l’expression parler avec autorité présuppose la compétence d’un individu, d’un groupe ou d’une collectivité à mobiliser les ressources disponibles au sein d’un ordre de la reconnaissance donné, de façon à produire une image de l’identité qui puisse s’avérer conforme en regard de ce même ordre symbolique, elle se double également dans un contexte comme celui-ci d’une portée éthique et politique qu’il s’avère difficile de contourner. En effet, à qui donne-t-on la parole dans de telles circonstances, qui écoute-t-on et que peut ou que vaut la voix d’un expert ou d’un journaliste face à celle du réfugié? Un réfugié dont la capacité à se raconter se révèle souvent altérée par le trauma des événements liés à la traversée ou la honte même d’en être tenu à sa condition de réfugié. Il existe certes un écart important entre le récit mené au je par quelqu’un ayant vécu l’expérience de l’intérieur et le récit d’un étranger rapportant les propos d’un il dont la portée se veut souvent plus exemplaire que particulière, mais que signifie cet écart lorsque le premier refuse ou se voit refuser le droit de témoigner? Et que devient cet écart lorsque parler au nom de l’autre se traduit par le montage de photos-reportages dans lesquels abondent les descriptions de il(s) référencés par autant de visages inconnus, si ce n’est anonymes, ne permettant ni l’établissement d’un mode de subjectivation qui puisse se révéler socialement ou légalement productif ni de formes discursives susceptibles de modifier les « régimes d’intensité sensible[1] » du cadre social? En ce sens, poser la question qui parle? implique nécessairement d’en poser une autre : à qui s’adresse-t-on?, dans la mesure où tout discours – au sens où l’entend Benveniste – « suppos[e] un locuteur et un auditeur, et chez le premier, l’intention d’influencer l’autre en quelque manière[2]. » Il convient dès lors de s’interroger sur la composition du public cible de ces récits et leurs lieux de légitimation afin de mieux en cerner la rhétorique, les conditions de leur circulation et leurs visées. La table ronde de clôture du premier cycle de conférences du projet « Réfugié(e)s et Déplacé(e)s : Droit, Littérature et Migration » propose donc une réflexion collective autour de ces questions d’énonciation. Membres du projet de recherche : Simon Harel (Université de Montréal) François Crépeau (Université McGill) Idil Atak (Ryerson University) Marie-Pierre Bouchard (Doctorante, Université du Québec à Montréal) Laurence Sylvain, coordonnatrice (Doctorante, Université de Montréal) Hanen Allouch (Doctorante, Université de Montréal) Safa Kouki (Doctorante, Université de Montréal) Animatrice : Marie-Pierre Bouchard Pour questions et informations : refugiesetdeplaces@gmail.com [1] Jacques Rancière, Le partage du sensible : esthétique et politique, Paris, La Fabrique-éditions, 2000, p. 62. [2] Émile Benveniste, Problèmes de linguistique Générale I, Paris, Gallimard, 1966, p. 241.
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La seconde conférence de l'automne sera donnée par Laurence Sylvain et a pour titre : La religiosité et le droit dans l'exil et le refuge.
Mercredi 11 novembre 2015 De 14h à 16h Carrefour des arts et des sciences de l’Université de Montréal Salle C-2059 Pour voir l'évènement sur Facebook : https://www.facebook.com/events/1504687143191567/ |